Escrime: Les Bleus de l’Insep sont-ils toujours à la pointe?
Il y a du changement dans l’air de l’escrime française. Le phénomène a commencé avec la double médaillée olympique de Tokyo, la sabreuse Manon Brunet Apithy, et son époux, le sabreur Boladé Apithy en 2021. Puis d’autres sabreurs notables, comme Maxime Pianfetti, vice-champion du monde de la discipline, et les frères Sébastien et Jean-Philippe Patrice, ont rejoint une académie privée. De même, quelques-uns des plus brillants épéistes français, dont le champion olympique et du monde Romain Cannone, le multi-médaillé Yannick Borel et le double médaillé d’or aux Mondiaux par équipes Alexandre Bardenet, prennent leurs distances avec l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep).
Une mutation inattendue dans l’escrime française
Le débat s’intensifie au sein de la communauté alors que la saison de la Coupe du monde reprend à Alger (sabre hommes et femmes), Berne (épée hommes), Istanbul (fleuret hommes) et Legnano (épée femmes). De manière significative, de nombreux tireurs français choisissent de quitter l’Insep pour s’entraîner dans des structures privées.
Des changements signalés par le couple Brunet-Apithy à l’Académie Christian Bauer d’Orléans et plus récemment par les nouveaux membres de la Paris Fencing Academy sous la direction de Vincent Anstett, ont attiré l’attention. De plus, il y a plusieurs cas individuels qui, pris ensemble, interrogent sur le modèle fédéral.
L’attrait pour l’étranger
Un membre éminent de la Fédération française d’escrime (FFE) explique que certains tireurs ont commencé à envisager de s’entraîner à l’étranger après qu’Ysaora Thibus a été autorisée à le faire. Thibus, championne du monde au fleuret, a passé cinq ans à Los Angeles avec le maître d’armes italien Stefano Cerioni, et continue de récolter des victoires. Sa success-story a incité d’autres tireurs de haut niveau à envisager de nouvelles options d’entraînement.
Paul Allègre, épéiste et actuel 96e mondial, souligne un sentiment d’urgence parmi les athlètes alors que les Jeux approchent. Il voit les académies privées comme l’expression d’un contre-pouvoir et d’un ras-le-bol général.
Le système Insep sous le microscope
Les meilleurs escrime francais sont rassemblés tout au long de l’année à l’Insep, situé dans l’élégant bois de Vincennes à Paris. Ils bénéficient d’un encadrement technique, physique, médical et socio-professionnel dans des installations décrites par tous comme ‘magnifiques’. Certains en sont résidents, d’autres sont des partenaires d’entraînement.
Les plus désireux de rejoindre une structure privée sont généralement les partenaires d’entraînement, cherchant à progresser. Toutefois, ils sont désormais rejoints par des résidents, un développement intrigant notamment en épée et en sabre, en raison du grand turnover chez les maîtres d’armes.
La question du turnover chez les maîtres d’armes
Ronan Gustin, double champion du monde par équipes à l’épée et maître d’armes au Levallois Sporting Club, note que le changement fréquent d’entraîneurs n’instaure pas une atmosphère de sérénité. Caroline Queroli, sabreuse et pensionnaire de l’Insep, s’inquiète quant à elle de l’instabilité que crée ce turnover chez les entraîneurs.
Toutefois, Julien Mertine, médaillé d’or en fleuret par équipes à Tokyo, exprime une certaine ouverture à l’idée de suivre ses entraîneurs s’ils devaient décider de partir.
Un haut responsable de la FFE exprime quant à lui son inquiétude quant à l’impact de ces changements sur l’écosystème de l’escrime française – moins de tireurs à l’Insep signifiant moins de cadres techniques et donc moins de financement. L’Insep comme outil de performance est-il toujours adapté ? La question reste ouverte.